Diabétique, végétalienne, à vélo et enceinte

Devenir enceinte, ça chamboule une vie! Le récit de comment j’ai “drastiquement” changé de paradigme quant à mon alimentation et au traitement de mon diabète…

J’ai l’immense plaisir de vous annoncer que mon conjoint Clément et moi-même nous sommes engagé.e.s sur le chemin de devenir parent.e.s. J’entame ma 17ième semaine de grossesse, j’ai un bedon naissant, et si tout se passe bien, je donnerai naissance vers la fin du mois de juillet. Je vous tiendrai au courant!

Voici un retour sur mon premier trimestre, sur mon alimentation chamboulée, sur le… retour à l’insuline pour le traitement de mon diabète et sur les difficultés rencontrées à faire du vélo avec une bedaine.

Le premier trimestre : beurk !

Mon expérience des semaines 6 à 11 fut difficile. J’ai eu de terribles nausées et une fatigue intense. Je pouvais dormir jusqu’à 12 heures par nuit, sans pouvoir m’empêcher de faire des siestes de quelques heures! J’ai accumulé du retard au travail, que j’ai heureusement commencé à rattraper depuis.

J’ai ressenti du dégoût pour des aliments que je consomme régulièrement, comme des lentilles ou des champignons shiitake. J’ai également été incapable de manger différentes courges, radis daïkons et choux raves restant de nos paniers de légumes biologiques d’automne. À mon grand désarroi d’ailleurs, moi qui en avais rêvé tout l’été! En revanche, j’ai ressenti un besoin pressant d’augmenter ma consommation de certains fruits et légumes crus.

Si c’est possible, j’ai été encore plus stricte qu’avant concernant ce que je ne souhaite pas manger : les produits animaux, les produits transformés, raffinés et chimiques, etc. J’éprouve depuis de la difficulté à supporter certaines odeurs que je trouvais juste désagréables auparavant (la cigarette, la viande ou les œufs qui cuisent). En allant manger chez ma cousine dernièrement, je suis sortie de la maison tellement l’odeur de viande m’importunait.

La bonne nouvelle c’est que je suis passée à travers cette période et je me porte comme un charme depuis. Je me sens comme dans une lune de miel de la grossesse. Je déborde de joie et d’énergie, et j’apprécie mon corps qui se transforme presque quotidiennement! Clément l’adore aussi, ce qui accentue mon bonheur.

L’alimentation : je croyais dur comme fer qu’il me fallait l’inverse !

Je considère avoir “changé de paradigme alimentaire”. Pourtant, le contenu de mon assiette de femme enceinte reste sensiblement le même que d’habitude. Joyeusement végétalienne, j’observe à la lettre mes propres recommandations concernant les dix groupes alimentaires végétaux. Je n’ai pas encore eu de rage de nourriture bizarre ou inexplicable (cornichons et crème glacée, par exemple) qu’on associe souvent au fait d’attendre un enfant.

Qu’est-ce qui a changé alors? C’est ma compréhension des prises alimentaires en lien avec le diabète. On demande aujourd’hui aux femmes enceintes d’avoir une hémoglobine glyquée de moins de 6% et de ne jamais laisser leur glycémie augmenter à plus de 7.8 mmol/L, et ce, même dans l’heure suivant un repas. Aussi fou que ça puisse paraître, je n’étais pas au courant! Je croyais qu’avec une hémoglobine glyquée gravitant autour des 7%, j’étais super correcte. Je l’avais d’ailleurs lu à plusieurs endroits…

À l’hôpital, une nutritionniste m’a conseillé de diminuer la taille de mes repas et de prendre des collations. Ce n’était pas la première fois qu’on me disait ça. Je me le suis fait répéter, au bas mot, une dizaine de fois depuis que je suis diabétique. Mais je croyais dur comme fer qu’il me fallait l’inverse puisqu’à jeun, mes glycémies sont toujours normales. Cela explique ma conclusion selon laquelle mieux vaut ne jamais manger entre les repas. Que je mentionne à qui veut l’entendre depuis plusieurs années et qui est aussi écrite dans mon livre.

En discutant avec cette nutritionniste, j’ai révisé mes positions. Elle a compartimenté mon alimentation typique au cours d’une journée. Je devais manger normalement, mais en six prises alimentaires au lieu de trois. J’ai soigneusement suivi ses conseils à partir du 23 décembre, et durant tout le temps des fêtes. Aucun repas copieux, mais toujours quelque chose à me mettre sous la dent. Je suis aussi devenue plus stricte que jamais concernant ma consommation de glucides. J’ai dit non à toute source de sucre blanc tout le temps. Pareil pour les dattes et les fruits séchés. Ma dernière hémoglobine glyquée remonte au 13 janvier, et elle est descendue à 6.3%. Une victoire! C’est ma meilleure à vie en plus de 14 ans de diabète dont huit ans avec insuline.

J’étais sur la bonne voie. Juste un nuage à l’horizon : j’ai commencé à rêver que je m’empiffrais de biscuits au chocolat, que je visitais une pièce remplie de fruits jusqu’au plafond, qu’il y avait du chocolat partout… Je n’aime pas agir par contrainte. Je suis convaincue que la privation n’est pas viable à long terme, qu’elle encourage les écarts, les tricheries, et agit comme aimant des montagnes russes émotionnelles et glycémiques. En d’autres mots, je ne me sentais pas comblée par cette nouvelle rigidité, et elle me rendait malheureuse…

Et les carences? Et les suppléments? Et l’acide folique?

Je suis suivie par toute une équipe médicale à la clinique GARE (grossesse à risque élevé) de l’hôpital St-Luc. Et si personne n’a réagit négativement au fait que je suis végétalienne, tout le monde m’a regardé avec des gros yeux quand j’ai affirmé ne pas me supplémenter en acide folique ni en fer. Et pourtant! Mes prises de sang et mon état de santé général montrent que tout est très normal. Il faut bien que mes 6 dernières années de recherches nutritionnelles aient servi à quelque chose! Entre autres : merci Michael Greger!

Ceci dit, je me supplémente et je vous recommande de faire de même. Je prends ma dose quotidienne de vitamine B12, de vitamine D végétale, et aussi d’omégas 3 DHA végétaux, à base d’algues. Une alimentation végétale variée et complète ne devrait pas causer de carences ni nécessiter d’autres suppléments que ceux-là. Veuillez néanmoins s’il vous plaît vous rappeler que je ne suis ni médecin ni professionnelle de la santé ; je vous parle de mon expérience uniquement. Il est bien entendu possible que vous ayez à vous supplémenter autrement, suivant vos antécédents, votre génétique, votre alimentation, etc.

Par sagesse, j’ai recommencé à me piquer…

J’ai recommencé à m’injecter de l’insuline le 18 janvier dernier, plus de 6 ans après avoir arrêté.

Parmi mon équipe médicale, il y a une endocrinologue que j’aime beaucoup, qui est très à l’écoute et prend la peine de répondre sérieusement à toutes nos questions. Elle m’a expliqué que mes besoins en insuline augmenteraient drastiquement au cours du deuxième trimestre et ce, jusqu’à l’accouchement. J’ai tout de suite pensé au diabète de grossesse et à la résistance à l’insuline, et je lui ai rétorqué qu’étant végétalienne, ça ne devrait pas trop m’arriver, études à l’appui. Mais elle a insisté : elle ne parlait pas de résistance à l’insuline, mais bien de besoins en insuline. J’ai depuis vu ce graphique :


Suite à mes rêves sucrés la nuit, et à ces discussions, j’ai décidé de quitter le mode autonome pour le temps de ma grossesse. J’ai reçu un beau stylo d’insuline tout neuf, des aiguilles, de l’insuline, j’ai fait le plein de bandelettes, et j’ai recommencé à me piquer. Mes besoins ont augmenté de semaine en semaine. Au début, je prenais de 1 à 3 unités d’Humalog, une fois par jour ou par deux jours, puis de 2 à 3 unités tous les dîners et soupers, puis de 3 à 4, et éventuellement les déjeuners aussi, et ça s’est stabilisé (pour le moment). Depuis début février, je prends de l’insuline à presque tous les repas, souvent 5 unités. Je n’en ai pas besoin si je mange une bonne portion de salade verte avec une petite portion d’aliments cuits, ou que je fais beaucoup d’exercice physique au froid. Mais j’ai souvent envie de plus de glucides que ça, et je ne bouge pas après tous les repas!

Mes glycémies sont pratiquement toujours dans les cibles, et je vous avoue, c’est un soulagement. Pour la santé de notre bébé d’abord, pour lui éviter malformations, faiblesse des poumons et hypoglycémies à la naissance. Et aussi pour moi : si elli n’est pas surdimensionné.e à l’accouchement, cela va me faciliter la tâche! Et c’est un vrai plaisir que de manger plus de fruits ou même parfois du sirop d’érable, ou dernièrement une grosse portion de poutine végétalienne maison, sans subir de pic glycémique. Je me sens libre.

J’ai très hâte de voir l’évolution de ma nouvelle relation avec l’insuline. Là, j’en profite d’autant plus que je me sentais frustrée de mes dernières semaines très strictes. Je me sens déjà moins attirée par le sucre que je ne l’étais il y a 3 semaines. J’ai tout de même l’intention de redevenir autonome après la naissance de notre enfant, mais je me pose la question : est-ce que je ne serai pas plus heureuse de vivre sans insuline la majorité du temps, mais de la garder près de moi, pour pouvoir me permettre un petit écart de temps en temps sans hyperglycémie? J’y pense. Une chose est sûre : maintenant que je sais que je peux atteindre 6.3% d’hémoglobine glyquée sans insuline, je vais devoir le reproduire!

Le vélo d’hiver avec mon bedon

L’an passé, une de mes bonnes amies enceinte a fait du vélo d’hiver jusqu’à ce qu’elle donne naissance à une magnifique petite fille. Tout naturellement, je me suis dit que je ferais pareil : du vélo jusqu’à la toute fin! Portant un.e enfant, je me sens encore plus responsable qu’auparavant de faire la promotion de modes de vie durables, respectueux de l’environnement (notre unique maison de laquelle nous ne pourrons pas déménager même si nous la ruinons) et des autres.

Ça m’a pris des années avant de faire du vélo d’hiver par crainte d’être congelée. Pourtant, la température est bien le moindre de mes soucis aujourd’hui! Tout le monde a plus froid que les cyclistes : les piéton.ne.s comme les automobilistes. Les routes sont la plupart du temps bien déneigées à Montréal. Je suis encore plus prudente que d’habitude. Je roule lentement, j’évite vraiment les plaques de glace, et dès que possible, j’évite de rouler durant les heures de pointe. À ces heures où les automobilistes craignent d’arriver en retard ou, au contraire, sont empressé.e.s d’arriver à la maison, illes sont moins enclins à partager la route avec ses autres usagers et usagères. Il y a quelques semaines d’ailleurs, tout ce qui me préoccupait, c’étaient les voitures et les camions. Ne pas me faire blesser ou tuer durant mes déplacements occupait toute mon attention de cycliste joyeuse et responsable.

Aujourd’hui, j’ai un nouveau “problème”. Mon cher bedon d’amour se sent comprimé lorsque je suis penchée sur mon guidon (photo 1), surtout pour freiner. Je n’avais jamais pensé à ça! Depuis 3 semaines, j’appréciais de moins en moins le vélo. J’avais peur de faire du tort à notre enfant, en plus du fait que c’était inconfortable.

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Du coup, Clément m’a offert le meilleur cadeau du monde : un vélo d’hiver de femme enceinte! Amoureusement patenté à partir de deux vélos abandonnés par nos anciens colocs. Un cadre “de femme” sans tube supérieur, un siège plus bas et un guidon plus haut (photo 2). Je me promène désormais le dos droit et j’ai retrouvé la liberté sublime de me déplacer comme bon me semble quand bon me semble. Merci Clément!

Et donc, conseil d’amie : si vous prévoyez une grossesse cyclable, pensez aussi à modifier votre vélo en conséquence! :)

Et vous, mamans, comment vivez-vous, comment avez-vous vécu votre grossesse? De diabétique? De végétalienne? De cycliste? Et vous, papas, comment vivez-vous et avez-vous vécu la grossesse de votre conjointe? Comment vivez-vous le fait d’être parent avec le diabète? Le végétalisme? Le vélo? Et vous, toutes les autres personnes, avez-vous des expériences à partager concernant ces sujets?

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